Vivre la Ville
Un spectre hante le monde
Un microscopique organisme parcourt le monde à grande vitesse et a fait halte également à Neuchâtel : le SARS-CoV-2. Ce virus qui peut déclencher une maladie potentiellement grave appelée covid-19 nous contraint à modifier nos habitudes, nos relations sociales, nos achats, nos moyens de production et à revoir la distribution des richesses. Il touche nos façons de penser, nos manières d’agir et même de concevoir le monde. Il questionne en profondeur nos valeurs, les bouleverse et arrive avec plus ou moins de succès à façonner nos actions et comportements. Il nous oblige à rester enfermés, à ne plus acheter de marchandises non indispensables. Les moyens de production mondialisés et les entreprises délocalisées sont remis en question. Ce virus nous donne des idées de ce qui devrait être produit plus localement pour réduire l’extrême dépendance vis-à-vis de pays tiers dont beaucoup sont situés à de milliers de kilomètres de la Suisse.
En ce temps de limitation des déplacements, il est utile de poser un regard nouveau sur la ville et ses alentours afin d’en saisir les véritables atouts et redéfinir ce qu’elle peut apporter à la satisfaction des besoins essentiels et à qualité de la vie: des hôpitaux de proximité facilitant l’accès aux soins, des coins de nature encore préservés, des zones permettant de développer des productions locales comme le maraîchage, la culture fruitière, le bois, la pisciculture. La fabrication de biens de consommation non indispensables n’est plus d’actualité.
Ce virus questionne notre système de santé qui était entré dans l’ère de la concurrence, soumis aux lois du sacrosaint marché et dont nos autorités ont tant vanté les bénéfices, tandis que sur un terrain mal préparé, les personnels de santé ont dû redoubler d’efforts pour accueillir les malades en souffrance. Malgré des plans de pandémie existants au plan national, les stocks de matériel prévus pour ces cas étaient en dessous de ce qu’ils devaient être et le manque de personnel employé pour s’occuper des problèmes de santé publique a empêché le traçage efficace des contacts des personnes malades pour enrayer la propagation du virus dès le début. La Confédération a ordonné le confinement de la population chez elle pour éviter de saturer rapidement les hôpitaux à la limite de leurs capacités. Soudain, de nouveaux héros sont apparus : les médecins, les personnels de santé, les employé-e-s des buanderies et tous ceux et celles qui assurent des prestations sanitaires et des services à la population. Ce sont eux que le peuple applaudit en Suisse chaque soir à 21h!
Cela pourrait-il durer ? Le spectre du coronavirus pourrait-il nous amener à vivre dans une sobriété contrainte et de changer durablement notre façon de produire et de consommer ? Ce spectre renversera-t-il le système économique en place ou bien les États injecteront-ils des sommes énormes pour le sauver alors qu’il touche là manifestement à ses limites ? Le covid-19 nous invite à trouver de nouvelles manières de vivre ensemble et ainsi, peut-être, sortir de cette pandémie plus solidaires et réconciliés avec une économie entièrement repensée.
Martha Zurita 20 mai 2020